Critique des trois premiers tomes de la série Anne Shirley de Lucy Maud Montgomery
- MarieChristMasH
- il y a 13 heures
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Au cours de l’hiver et du printemps, j’ai eu l’occasion de séjourner dans une province méconnue du Canada : l’Île-du-Prince-Édouard. Je l’ai découverte en lisant la trilogie romanesque consacrée à Emily Byrd Starr de Lucy Maud Montgomery. Tombée profondément amoureuse des descriptions des paysages de cette île proche du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, j’ai décidé d’y retourner, non pas en avion, ni en bateau, mais en commençant une autre série littéraire plébiscitée par les lecteurs et la critique depuis la parution du premier roman, Anne de Green Gables, en 1908.
Résumé (condensé) de l’intrigue générale
Anne Shirley est une orpheline originaire de Nouvelle-Écosse adoptée à la suite d’un quiproquo par Matthew et Marilla Cuthbert, un frère et sœur vivant dans une ferme sur l’Île-du-Prince-Édouard.
Pipelette invétérée, la tête pleine d’imagination, Anne – après une série de mésaventures – s’intègre dans son nouveau foyer et sa nouvelle patrie, l’Île-du-Prince-Édouard : une contrée un peu sauvage figée dans le temps.
Anne de Green Gables

Le premier tome suit les aventures d’Anne Shirley durant son adolescence : de son arrivée à Green Gables jusqu’à la fin de ses études dans le secondaire.
Vous le savez, je me répète, j’ai eu un coup de foudre pour la trilogie consacrée à Emily Byrd Starr. Je qualifie cette expérience de rencontre. Mais arrêtons de parler d’Emily… Il est temps d’introduire Anne Shirley Cuthbert.
Les premières pages m’ont beaucoup émue. Je me suis rapidement aperçue qu’Anne était une intarissable bavarde… peut-être une cousine éloignée de Miss Bates. Et pourtant, ses longues tirades sont un délice. Anne – tout comme Emily – a une imagination débordante, mais elle est surtout une véritable drama queen. Anne vit ses émotions. Mais ne vous inquiétez pas, Anne ne cède jamais à l’abattement.
Anne aurait pu être une Murray. Si vous n’avez pas lu la trilogie Emily, vous ne pouvez pas comprendre. Anne a de l’orgueil à revendre. Ne vous avisez pas de critiquer la couleur de ses cheveux. Gilbert Blythe en a payé les frais pendant des années. Ne lui parlez pas non plus de ses taches de rousseur sur son nez. Et surtout n’oubliez pas la lettre « e » à son prénom ! Ne croyez pas qu’Anne est vaniteuse, loin de là. Les cheveux roux ont longtemps été considérés comme une tare.
Anne Shirley est un personnage infiniment attachant, mais aussi une petite fille tout sauf commune ! Éprise de poésie et de romantisme, Anne aime donner des noms aux endroits par lesquels elle passe. Ainsi la mare des Barry devient « le Lac Scintillant », l’Avenue qu’elle traverse dans une cariole avec Matthew est rebaptisée « le Chemin blanc des délices », etc. Anne a la capacité de rêver éveillée, de magnifier son existence alors que ses premières années ont tout sauf été roses… Sans jamais l’écrire explicitement, Lucy Maud Montgomery suggère que son héroïne a été malmenée dans les divers foyers où elle a grandi jusqu’à son adoption providentielle par les Cuthbert.
Rapidement, elle se lie d’amitié avec Diana Barry, la fille d’un couple assez aisé vivant non loin de Green Gables. Contrairement à Anne, Diana n’a pas autant d’imagination, mais elle est une amie fidèle.
L’un de mes passages préférés de ce tome est lorsqu’Anne raconte à Diana dans les grandes lignes – mais avec des détails truculents – l’expression écrite ayant pour thème une promenade dans les bois qu’elle doit rendre à leur institutrice. Son histoire est hors-sujet, mais montre la représentation qu’Anne se fait du romantisme et du tragique. J’ai beaucoup ri en lisant ce passage, car Anne a donné involontaire une substance comique à son récit.

Et j’ai eu le cœur brisé à la fin du roman, car un personnage extrêmement attachant – que j’aurais aimé voir dans les tomes suivants – disparaît brutalement. Il s’agit de Matthew Cuthbert, une véritable figure paternelle pour Anne et son premier soutien à Avonlea. Sa mort précipite Green Gables et ses deux occupantes dans une situation compliquée. Anne, qui avait reçu une bourse pour étudier à l’université, renonce à faire des études et accepte le poste d’institutrice d’Avonlea pour aider Marilla qui rencontre des problèmes de vue.
Anne d’Avonlea

À l’instar de Laura Ingalls, Anne devient institutrice à l’âge de seize. En effet, à cette époque on pouvait enseigner très tôt aux enfants. L’enseignement, comme le découvre Anne à ses dépens, est loin d’être un métier facile… Heureusement, elle rencontre un petit garçon adorable, une nouvelle âme sœur : le petit Paul Irving. Paul est l’un de ses élèves, et tout comme Anne, cet enfant a une imagination débordante. Contrairement à son institutrice quand elle avait son âge, Paul est un garçon calme, posé, et surtout mélancolique. Orphelin de mère, son père – qui vit sur le continent – l’a confié à sa grand-mère. Mais la vieille dame peine à comprendre son petit-fils.
Grâce à l’une de ses vaches, Anne fait aussi la connaissance d’un nouveau voisin, Mr Harrison, avec lequel elle se lie d’amitié. N’oublions pas Dora et Davy, des jumeaux que Marilla recueille peu après la mort de l’une de ses cousines. Davy est un petit garçon turbulent, très doué pour imaginer de nouvelles bêtises. Je regrette en revanche que le personnage de Dora n’ait pas plus de personnalité. Dora est une fillette sage, mais le lecteur ne s’attache pas particulièrement à elle.
Et il y a ce personnage touchant, une éternelle demoiselle qui vit dans le Pavillon des Échos: Lavendar Lewis.

Cette femme vit recluse dans sa maison avec sa domestique, Charlotta IV – qui s’appelle en vérité Leonora. Mademoiselle Lewis a une étrange personnalité, et, derrière ses manières enfantines, son visage de poupée, cache une triste histoire, celle d’un chagrin d’amour…
Rassurez-vous, la conclusion de ce second tome est bien plus gaie que celle du précédent.
Anne de Redmond

Anne prend le large dans ce troisième tome et quitte pour la première fois depuis son adoption l’Île-du-Prince-Édouard pour poursuivre ses études à l’Université de Kingsport, en Nouvelle-Écosse. Âgée de dix-huit ans et avec une expérience de deux années dans l’enseignement, Anne goûte aux plaisirs de la vie étudiante avec son amie Priscilla Grant et l’extravertie Philippa. Au programme : des cours, de nouvelles amitiés et… de la galanterie.
Ce troisième tome est un peu plus mature que les précédents. Anne tombe amoureuse – ou croit l’être, reçoit des demandes en mariage… et se rend compte que ce n’est pas aussi romantique que ce qu’elle avait imaginé quand elle était enfant.

Anne est aussi confrontée à la maladie et au deuil. Son amie d’enfance, Ruby Gillis, développe une tuberculose et succombe. Elle symbolise la jeunesse éternelle et l’insouciance. Peu avant sa mort, Ruby regrette de ne pas avoir assez vécu et de n’avoir goûté qu’aux plaisirs éphémères de l’existence. Elle aurait voulu pouvoir se marier, fonder une famille… vivre comme les autres. Mais la maladie – survenue trop tôt – l’a empêchée de faire de grands projets, et le paradis lui semble terne comparé aux joies que procure une existence terrestre.

L’histoire se finit bien pour Anne qui comprend et accepte ses sentiments pour Gilbert Blythe – qui est épris d’elle depuis des lustres.
Dans l’ensemble, il s’agit de véritables coups de cœur. J’adore lire les aventures d’Anne, la voir grandir, gagner en maturité, affronter les expériences de la vie… Cette héroïne – et son histoire – est très différente de celle d’Emily Byrd Starr, bien qu’il y ait quelques similitudes. Je vais donc poursuivre mon séjour – indéterminé – sur l’Île-du-Prince-Edouard en compagnie des héros et héroïnes imaginés par Lucy Maud Montgomery.
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