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Critique "La Quête d'Emily" de Lucy Maud Montgomery

Photo du rédacteur: MarieChristMasHMarieChristMasH
La Quête d'Emily Lucy Maud Montgomery Monsieur Toussaint Louverture littérature canadienne
La Quête d’Emily, Lucy Maud Montgomery, Monsieur Toussaint Louverture, illustration Midori Kusano

Il existe des livres qu’on ne peut pas engloutir comme une vulgaire boîte de chocolats. Non, ces livres se savourent un peu chaque soir pour reporter l’inévitable : le moment où il faudra tourner la dernière page, lire l’ultime ligne et dire adieu à des personnages qu’on a tant aimés.


La Quête d’Emily est le troisième et dernier tome de la trilogie écrite par Lucy Maud Montgomery. Il a été réédité en octobre 2024 par les éditions Monsieur Toussaint Louverture dans une nouvelle traduction de Laure-Lyn Boisseau-Axmann.


Synopsis

Désormais presque adulte, toujours aussi indépendante et sagace, Emily Starr a fait le choix courageux, sans quitter sa chère New Moon, de poursuivre son but de devenir une autrice publiée.
Si les défis d’une vie d’écriture ne sont pas toujours tendres – :lettres de refus, sombres humeurs et pages blanches :–, sa vie sentimentale n’a rien non plus d’un long fleuve tranquille : les demandes en mariage se succèdent et les triangles ­amoureux se dessinent avec leurs lots de silences et de malentendus.
Mais au fond de son âme indomptée, Emily sait qu’elle et son amour d’enfance, Teddy Kent, devraient conquérir le monde côte à côte.
La palpitante quête d’Emily pour assouvir son besoin d’écrire, et sa lutte inébranlable pour se faire une place dans le monde.

Mon avis

J’ai été rarement ébranlée – dans le bon sens du terme – par un personnage, par un roman. Lorsque j’ai découvert Emily de New Moon en juin 2024, j’ai été sincèrement émerveillée par ma lecture. C’était comme si Lucy Maud Montgomery m’avait insufflé avec ses mots une nouvelle jeunesse. Et j’ai éprouvé un certain regret : j’aurais tellement désiré lire un tel livre durant mon enfance. Mais y aurais-je pris autant de plaisir ? Aurais-je été aussi charmée par ces magnifiques descriptions ? Je ne peux pas répondre objectivement à ces questions.


La Quête d'Emily Monsieur Toussaint Louverture Lucy Maud Montgomery littérature canadienne

Dans le second tome, je suis retournée à l’âge de l’adolescence, et dans ce dernier volet j’ai traversé les affres et les joies de la vingtaine avec Emily. Je connais si bien cette décennie, puisque je suis en train de l’achever.


Emily a dix-sept ans à l’ouverture de ce livre. Elle a terminé ses études et a refusé de suivre Mademoiselle Royal – une rédactrice en chef – à New York pour lancer sa carrière littéraire. Alors que Perry, Ilse et Teddy ont quitté Blair Water pour tracer leur route, Emily est restée à New Moon et écrit. Mais seules ses nouvelles sont publiées dans des magazines et journaux.


La maturité arrive immanquablement. Mr Carpenter – l’instituteur et mentor d’Emily – tombe gravement malade à la suite du décès de son épouse et disparaît lui aussi, non pas sans avoir laissé un dernier conseil à son élève préférée :

Comme Emily s’agenouillait près de lui, ses yeux bruns perçants, sous leurs sourcils perçants, sous leurs sourcils broussailleux, s’ouvrirent une dernière fois. Il tenta de faire un clin d’œil sans y parvenir.
« J’ai retrouvé… mon avertissement, murmura-t-il. Prends garde… aux italiques. »
            Se fendit-il d’un petit ricanement malicieux à la fin de sa phrase ? Tante Louisa soutiendrait toujours que oui. Ce vieil hérétique était mort en riant… et en murmurant quelque chose à propos des Italiens. Bien entendu, il délirait.

La Quête d'Emily, p. 38.


Ne reste plus que Dean… Dean Priest. Vous le savez – si vous avez lu ma précédente critique -, j’ai un gros problème avec Dean. Mais dans cette suite, le problème est devenu immense ! Et ce n’est pas ce que vous pensez… La vérité… Je me suis terriblement attachée à ce personnage, car il est parfaitement décrit et construit, tandis que Teddy Kent… Ce n’est qu’au beau milieu de ce troisième tome que je me suis rendue compte qu’il était brun et non blond ! Je me suis sentie profondément trahie…


À mon sens, il existe un pacte tacite entre un auteur et un lecteur quand il est question d’une intrigue amoureuse. L’auteur doit rendre le véritable intérêt amoureux de son héroïne attrayant pour son lecteur, qui doit en retour pouvoir l’imaginer, se le représenter et s’attacher à lui. Là réside le plus grand défaut de cette trilogie. Je me fiche éperdument de Teddy Kent, qui n’est qu’un nom, qu’un idéal de papier et d’encre… Je le trouve fade, inintéressant, alors que Dean Priest est l’archétype du personnage complexe, du héros torturé. Je pourrais écrire des pages sur Dean Priest, alors que je n'ai strictement rien à dire sur Teddy Kent.


Ne reste plus que Dean Priest, qu’Emily qualifie dans son journal de « sel de [sa] vie » (p. 22). Mais le vieil ami d’Emily va agir comme un sombre crétin. Dans L’Ascension d’Emily, Dean montrait des signes de possessivité que je peinais à expliquer, et un désintérêt étrange pour les activités littéraires d’Emily, alors qu’il était son premier soutien dans Emily de New Moon.


L’absence de ses amis inspire à Emily un roman, Un Marchand de rêves. Cette histoire est née d’une nuit d’hiver durant laquelle Emily, Ilse, Teddy et Perry avaient trouvé refuge dans la maison esseulée de Sa Majesté John. Ce roman, dans lequel Emily avait mis toute son âme, est refusé par plusieurs maisons d’édition. Désespérée, Emily se tourne vers son ami Dean et lui demande d’être objectif avec le manuscrit qu’elle lui confie. Un choix s’est présenté à Dean : dire la vérité ou couper les ailes de son étoile. Dean devient un personnage tragique en commettant cet acte égoïste.


Il est devenu jaloux de l’écriture d’Emily, non pas parce qu’elle est talentueuse, mais parce que cette passion l’éloignait de lui :

Pendant des semaines, Emily ne sembla vivre que lorsqu’elle écrivait. Dean la trouva étrangement grisée, distraite et distante. La conversation d’Emily était aussi ennuyeuse qu’elle pouvait l’être, et tandis que son corps s’asseyait ou marchait aux côtés de Dean, son âme était ailleurs… mais où ? Dans quelque territoire où il ne pouvait – et ne pourrait jamais – la suivre. Elle lui avait échappé.

La Quête d'Emily, p. 65.


Ce mensonge a de terribles répercussions sur Emily. Persuadée que la « Voie Alpine » lui est inaccessible, l’écrivaine en herbe brûle son manuscrit, cette partie de son âme. Et une catastrophe en entraînant une autre, Emily fait une terrible chute dans les escaliers. Un accident provoqué par un enchaînement de petites et grandes circonstances, qui me rappelle celui de Daisy dans L’Etrange Histoire de Benjamin Button (2008).


Si seulement Tante Laura n’avait pas emporté son panier de couture, si seulement Tante Elizabeth ne l’avait pas convoquée dans la cuisine, si seulement Tante Laura ne l’avait pas abandonné distraitement en haut des escaliers… Et si seulement Dean avait dit la vérité. Alors, Emily n’aurait pas pleuré, ses larmes ne l’auraient pas aveuglée, et l’illumination ne se serait pas éteinte.


Gravement blessée, Emily trouve du réconfort auprès de Dean et accepte de l’épouser, mais elle doit attendre ses vingt ans pour devenir Mrs Priest. En attendant, Dean achète la Maison Désenchantée et lui et sa fiancée la rénovent.


J’ai aimé ces passages où Emily et Dean décoraient leur futur nid, l’agrémentant de leurs objets personnels. Mais Emily n’est pas certaine de ses sentiments pour Dean, car elle appartient à Teddy qui est si loin, si superficiel…


Je préfère Dean et j’aurais mille fois préféré qu’Emily coule des jours heureux avec lui, non pas sans certaines conditions.


Leur relation est très réaliste, et j’aurais aimé que Lucy Maud Montgomery fasse faire à Dean un choix très différent, tout en lui faisant confesser ses faiblesses, notamment sa jalousie. Il n’est pas le seul personnage de cette saga à être atteint d’une jalousie morbide. La lumière sur Mrs Kent – la mère de Teddy – est entièrement faite. Alors que je parviens à apprécier Dean, je ne parviens pas à éprouver de la compassion pour cette femme… qui reste un très bon personnage ! C'est d'ailleurs la seule qualité dramatique de Teddy Kent.


J’ai éprouvé diverses émotions en lisant ce roman. La Tante Elizabeth m’a même fait rire, et j’ai promis de ressortir un jour cette phrase, car elle fait très Violet Crawley : « Une vieille brebis fagotée comme une agnelle » (p. 224). J’ai ressenti un certain bonheur lorsqu’Emily a retrouvé ses ailes de fée et s’est remise à écrire. Cousin Jimmy m’a particulièrement touchée dans ce roman. Tout le monde devrait avoir un Cousin Jimmy pour égayer son existence. Et j’ai été attristée pour Dean… mais il l’avait quand même bien cherché.



La Quête d'Emily Lucy Maud Montgomery Monsieur Toussaint Louverture littérature canadienne

La Quête d’Emily est un livre que je relirai avec plaisir. Mon attachement pour Emily Byrd Starr reste intact, bien que je trouve la fin précipitée, et en-dessous du reste du roman.


Je tiens à remercier les éditions Monsieur Toussaint Louverture pour leur travail. Sans cette fantastique idée de rééditer les romans de Lucy Maud Montgomery, jamais je n’aurais fait cette rencontre livresque. Mon voyage à travers les œuvres de Lucy Maud Montgomery ne s’arrête pas ici. J’ai commencé la saga consacrée à Anne Shirley, et j’espère découvrir d’autres romans de cette autrice pour prolonger mon séjour sur l’Île-du-Prince-Edouard.






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