Les gens qui ne connaissent pas très bien les romans de Jane Austen pensent souvent à tort qu'il n'y a aucun drame, aucun événement qui enfreint la bienséance… Bref que tout le monde y est beau et gentil dans la campagne anglaise où on passe son temps à danser à des bals et à boire du thé… Mais que nenni!
Chaque roman explore la condition féminine - qui n'est pas très enviable sous la Régence -, mais également des drames de la société. A cette époque, une femme avec une petite dot ou sans dot était à coup sûr condamnée au célibat. Jane Austen le savait bien puisqu'elle était dans cette situation et ne s'est jamais mariée. Cependant, je ne vais pas vous parler ici uniquement des situations injustes et violentes dans lesquelles se retrouvent nos héroïnes en âge de se marier, mais bel et bien des drames rapidement évoqués et souvent sur un ton léger.
Quand la vertu des femmes est mise à mal
Généralement, les femmes sont les premières victimes de leur conduite et des agissements de certains messieurs. Dans Raison et Sentiments, le colonel Brandon raconte à Elinor la piteuse histoire de son amour de jeunesse, Eliza, une cousine riche mariée au frère aîné du colonel pour renflouer le domaine de Delaford. Eliza et Brandon étaient amoureux, mais le père du colonel ne voulait rien entendre et destinait Eliza à son fils aîné, l'héritier. Mais ce dernier n'aimait pas Eliza et la méprisait. Après l'échec de la fuite d'Eliza avec le futur colonel à Gretna Green, Eliza est forcée d'épouser l'aîné et le cadet a été éloigné loin de Delaford.
Le mariage entre les deux s'avère malheureux, et Eliza finit par quitter son mari pour s'enfuir avec un autre homme dont elle tombe enceinte… Son amant ne tarde pas à l'abandonner, la laissant seule avec son enfant. Trois ans après ces événements, Brandon retrouve Eliza dans une prison. A cette époque, les gens qui ne pouvaient payer leurs dettes se retrouvaient en prison. Et Eliza, malade, meurt dans cet endroit sordide après avoir laissé sa fille, Eliza, au colonel. Cette seconde Eliza connaît également un triste sort. A quatorze ans, alors qu'elle séjournait chez des amis à Bath, elle est séduite par Willoughby avec lequel elle s'enfuit. Tout comme sa mère, Eliza tombe enceinte et est abandonnée par son amant. Autant vous dire qu'après cet événement, les perspectives de la pupille du colonel dans le monde sont nulles.
Autre exemple, Maria Bertram dans Mansfield Park. En partie éduquée par sa tante Norris, Maria, sous ses jolis airs, n'a aucune moralité. Alors qu'elle est fiancée, Maria flirte dangereusement avec Henry Crawford, le prétendant de sa sœur. Alors que son père lui assure qu'elle peut renoncer à ses fiançailles, Maria s'entête car ce mariage avec Mr Rushworth lui procurerait une belle élévation sociale. Je vous rappelle que Maria est la fille d'un baronnet qui est loin d'être pauvre. Mais en épousant Mr Rushworth, Maria deviendrait la maîtresse d'un domaine - qui rapporte douze mille livres par an - et d'une maison à Londres. Bref, elle épouserait un homme encore plus riche que Mr Darcy, mais qui est décrit comme complètement stupide (alors que nous avons vu dans les romans de Jane Austen des personnages encore plus stupides que lui). Henry Crawford ne demandant pas sa main, Maria épouse Mr Rushworth pour mieux le tromper ensuite avec Henry. Elle prend la fuite avec son amant, et son époux demande le divorce. Maria est alors reniée par la société et par sa famille. Elle est condamnée à vivre dans une petite maison avec sa tante adorée qui ne tarde pas à la détester.
Autre exemple qui se finit plutôt bien, Lydia dans Orgueil et Préjugés. Lydia est la petite sœur d'Elizabeth et a un sacré caractère. Elle est frivole et ne pense qu'à s'amuser, qu'importe les répercussions sur la réputation de sa famille. A seize ans, Lydia part en vacances à Brighton et décide de suivre dans sa fuite Wickham, un lieutenant vénal qui a contracté des dettes et dont elle est tombée amoureuse. Mais Wickham n'envisage nullement d'épouser cette sotte sans le sou. Pendant plusieurs jours, ils vivent dans le péché à Londres. Ce n'est que grâce à l'heureuse intervention de Darcy que Wickham accepte d'épouser Lydia. Dans le cas contraire les conséquences auraient été désastreuses aussi bien pour Lydia que pour le reste de sa famille.
Le sort des orphelins
Le roman Emma nous offre plusieurs figures d'orphelins. Je vais ici prendre pour exemples Frank Churchill et Jane Fairfax. Ces deux personnages sont tous les deux nés à Highbury, mais ont quitté durant leur enfance ce village pour vivre ailleurs et auprès de gens qu'ils ne connaissaient pas. Jane Austen raconte brièvement leur enfance sur un ton léger, ce qui n'est pas sans nous rappeler le conte de fées qui narre souvent des faits épouvantables touchant de pauvres enfants. Frank et Jane ont été séparés de leurs proches pour des raisons financières.
A l'âge de deux ans, Frank perd sa mère. Faute de moyens, son père accepte de le confier à la famille de sa défunte épouse qui l'adopte. Frank reçoit alors une éducation et ne manque de rien. Il devient même l'héritier d'Enscombe (un beau domaine dans le Yorkshire), mais il ne voit qu'une seule fois par an son père à Londres. A sa majorité, il renonce d'ailleurs à son de naissance - qui était Weston - pour celui de Churchill. Un fait peut-être anodin pour certains, mais qui traduit la violence de la situation.
Passons à Jane, qui est le personnage principal d'une austenerie que j'écris. Le second chapitre de la deuxième partie du roman Emma est consacré à l'histoire de Jane: du mariage de ses parents à son retour à vingt-et-un ans à Highbury. A l'âge de trois ans, Jane devient totalement orpheline. Son père a été tué à la guerre, et sa mère n'a pas tardé à le suivre en succombant d'une maladie. Jane a donc été élevée par Miss Bates - sa tante - et par Mrs Bates, sa grand-mère. Or ces deux femmes étaient extrêmement pauvres, après avoir été déclassées socialement. Au début du roman, Jane Austen nous dit que Mrs Bates était l'épouse de l'ancien pasteur de Highbury. Mr Bates et sa famille vivaient donc au presbytère. Mais quand un pasteur meurt, il vaut mieux que sa famille ait de quoi faire face. Ce qui n'était bien évidemment pas le cas des dames Bates. Elles ont dû quitter le presbytère pour vivre dans un petit appartement et dépendaient en partie de la charité de leurs voisins et amis.
L'adoption de Jane par les Campbell est racontée très brièvement dans le roman et comme un événement heureux (ironie de Jane Austen). Le colonel Campbell était un ami du père de Jane, auquel il devait la vie. Pour payer sa dette, il a décidé de s'occuper de sa fille orpheline. Mais pensez-vous vraiment que Mrs et Miss Bates ont dit au colonel: "Oh! Très bien, prenez avec vous notre petite Jane" ? Non, je pense que Mrs et Miss Bates ont certainement hésité. Il est d'ailleurs question de plusieurs longs séjours avant le départ définitif de Jane pour Londres. La série de la BBC datant de 2009 montre dès le début du premier épisode comment Jane quitte sa famille. La petite fille est apeurée et impressionnée par le colonel, qui est un inconnu, tandis que sa tante et sa grand-mère tentent de faire bonne figure.
Miss Bates, qui est décrite comme stupide dans le roman, prend la décision d'accepter l'offre du colonel, alors que sa mère n'est pas d'accord (non Mrs Bates n'a pas toujours été muette et impotente). Elle convainc sa mère en lui disant que le colonel offrira tout ce dont aura besoin Jane, alors qu'elle et sa mère ne le pourront pas. Si Miss Bates lit et relit les lettres de Jane à tous ceux qui passent, c'est uniquement pour se persuader elle-même qu'elle a pris la bonne décision pour sa nièce, malgré la désapprobation compréhensible de sa mère. Miss Bates est donc loin d'être stupide. Je vous rappelle que nous avons uniquement le point de vue d'Emma. Elle n'est pas si différente de Mr Weston, et prend tout comme lui les choses du bon côté.
Je pense que Miss Bates et Mr Weston cachent tout simplement leur chagrin et culpabilisent de ne pas avoir pu s'occuper de Jane et de Frank. Pourtant, Emma est bien plus indulgente avec Mr Weston - dont le caractère n'est pas si éloigné de celui de Miss Bates -, car il est devenu riche et a demandé en mariage Miss Taylor, sa gouvernante.
Les despotes
Les romans de Jane Austen offrent un large panel de despotes. J'entends par "despotes" des parents richissimes qui usent de moyens douteux pour contrôler leurs enfants ou héritiers. Certains sont des personnages présents dans les intrigues, tandis que d'autres appartiennent à l'arrière-plan en étant simplement évoqués. Nous en retrouvons dans tous les romans de Jane Austen, mais il serait trop fastidieux de tous les traiter dans cet article.
Dans Raison et sentiments, nous avons deux despotes qui sont deux femmes très riches. La première est Mrs Ferrars, la mère d'Edward, Fanny et Robert. C'est elle qui tient les cordons de la bourse et qui dicte à ses enfants ce qu'ils doivent faire. Elle est particulièrement intransigeante avec son ainé Edward. Elle rêve pour lui d'une carrière prestigieuse, mais également d'un mariage honorable avec une femme richement dotée. Mais Edward n'a pas les mêmes projets. Il se rêve fermier, pasteur et n'est pas vraiment pressé de se marier.
En vérité, Edward s'est fiancé durant sa jeunesse avec Lucy Steel, et n'a jamais révélé cet engagement à sa famille car elle est pauvre. Entre temps, Edward est tombé amoureux d'Elinor Dashwood, la belle-sœur de sa sœur Fanny. En théorie rien n'empêche ce mariage socialement parlant: Elinor est la fille d'un gentleman, a grandi dans un magnifique domaine, etc. Sauf qu'Elinor est pauvre et son père avait seulement l'usufruit du domaine qui a été légué au neveu d'Elinor (le fils de Fanny et de John). Fanny intrigue d'ailleurs pour séparer les deux jeunes gens, car elle considère cette union comme une mésalliance. Quand Mrs Ferrars apprend qu'Edward est fiancé à Lucy, elle le renie et le déshérite. Lucy, qui est une femme vénale, rompt ses fiançailles pour épouser Robert, le frère complètement sot qui est pourtant adoré de sa mère. L'histoire finit bien pour Edward et Elinor qui se marient. Edward obtient une cure de la part du Colonel Brandon et devient pasteur.
L'autre "despote" du roman est la tante de John Willoughby, le joli cœur qui fait tourner la tête à Marianne dans le Devon. Cette tante possède une belle fortune et un domaine qui reviendront à son neveu qui n'est pas très riche. Cette vieille tante n'apparaît jamais dans le roman, mais est seulement mentionnée. Quand elle apprend que John a corrompu la pupille du Colonel Brandon, elle lui coupe les vives. John abandonne donc Marianne et épouse une femme richissime.
Mansfield Park est aussi un roman très intéressant qui présente deux despotes: la tante Norris et Sir Thomas Bertram. Mrs Norris est la femme d'un pasteur et est présentée comme une femme avare qui a éduqué ses nièces. Elle a en horreur sa plus jeune nièce, Fanny Price, qui est le fruit de la mésalliance de sa plus jeune sœur. Elle maltraite donc psychologiquement cette nièce tout au long de l'intrigue. Sir Thomas Bertram est l'oncle par alliance de Fanny et l'a recueillie durant son enfance pour aider sa belle-sœur et son beau-frère. Fanny a donc grandi dans un beau domaine, mais on lui a toujours fait comprendre qu'elle n'était pas la fille de la maison.
Néanmoins, Sir Thomas Bertram apprécie sa nièce et se réjouit de voir que l'éducation qu'elle a reçue a porté ses fruits. Il espère ainsi bien la marier, mais le prétendant de Fanny, Henry Crawford, est un séducteur qui tombe malgré tout amoureux de Fanny. Cette dernière refuse de l'épouser, car elle aime son cousin Edmund, mais elle n'est pas insensible au charme d'Henry. Contrairement à sa cousine Maria, Fanny ne cède pas à la tentation. Cependant, le refus de ce mariage avec un parti intéressant ne plait pas à son oncle qui décide d'envoyer Fanny dans sa famille pauvre à Portsmouth pour la faire plier. Sir Thomas est également rigide avec ses enfants, notamment avec son fils aîné qui mène pendant un temps une vie dissolue. Par chance, les réserves de Fanny envers Henry sont confirmées par un terrible événement: la fugue de Maria, mariée à un autre homme, avec Henry. La réputation de Maria est alors détruite, tandis que Sir Thomas reconnaît alors les limites de l'éducation qui a été donnée à ses filles par Mrs Norris, mais aussi la bonté de Fanny. Il pardonne donc à sa nièce et la laisse épouser son fils cadet, Edmund, ordonné pasteur.
Le dernier despote que je mentionnerai est le général Tilney dans Northanger Abbey. Ce personnage est un père de famille, propriétaire d'un domaine appelé l'abbaye de Northanger. Northanger Abbey est une parodie de roman gothique ayant pour personnage principal une jeune ingénue qui se délecte à la lecture de romans gothiques, Catherine Morland. Ce goût prononcé pour les romans gothiques, notamment ceux d'Ann Radcliffe, pousse l'héroïne à fantasmer la réalité. Chaleureusement invitée par le général Tilney dans sa demeure, Catherine imagine que le propriétaire du domaine a peut-être causé la mort de son épouse. Ce qui n'est bien évidemment pas le cas. Néanmoins, le général Tilney est un personnage sombre et calculateur. Il souhaite bien marier ses trois enfants et a été trompé sur la fortune de Catherine, qu'il pensait être une riche héritière. Lorsqu'il apprend qu'il a été dupé, il chasse sans aucun ménagement la jeune femme de sa demeure durant la nuit. Fort heureusement, le général finit par accepter le mariage de son fils cadet avec Catherine.
Comme je le disais précédemment, les despotes sont nombreux dans les romans de Jane Austen. Nous pouvons mentionner Lady Catherine de Bourgh dans Orgueil et Préjugés, Mrs Churchill dans Emma, et - dans une moindre mesure - Sir Walter Elliot dans Persuasion. Ils incarnent des figures de garant de l'ordre établi en tentant de préserver leur progéniture de mariages désavantageux, mais aussi des figures qui cherchent également à élever socialement leurs enfants et héritiers.
La pauvreté
Jane Austen a mis en scène dans ses romans des personnages féminins touchés par la pauvreté. Ses héroïnes sont pourtant issues de milieux favorisés, notamment la gentry. Néanmoins, ces jeunes femmes ne sont pas de bonnes candidates au mariage, ayant de petites dots, voire aucune pour certaines. Jane Austen, fille d'un pasteur, ne s'est jamais mariée, car sa famille était aussi touchée par des difficultés financières. La fortune est un sujet central des romans de l'autrice anglaise, et bon nombre de ses héroïnes en est dépourvu. Il serait encore une fois trop fastidieux d'énumérer toutes les héroïnes désargentées de Jane Austen, et je ne traiterai pas l'exemple des sœurs Bennet qui est connu de tous. Je citerai ici deux exemples qui me semblent assez intéressants à traiter: les sœurs Dashwood dans Raison et Sentiments et Jane Fairfax, un personnage secondaire d'Emma.
Elinor, Marianne et la jeune Margareth Dashwood sont trois sœurs qui connaissent un revers de fortune important dans Raison et Sentiments. Le roman s'ouvre sur la mort de leur père survenue dans leur demeure, le domaine de Norland. Cependant, il serait erroné de dire que Norland appartenait à leur père. En effet, il était la propriété d'un vieil oncle qui devait le léguer à leur père. Mais cet oncle a changé son testament pour le transmettre à son arrière-petit-neveu, qui est également le petit-fils de Mr Dashwood, le père de nos héroïnes. A la mort de cet oncle, Mr Dashwood a seulement obtenu l'usufruit de Norland, et pensait pouvoir gagner suffisamment d'argent pour mettre à l'abri ses trois filles et son épouse. Malheureusement, leur père rejoint dans la tombe peu de temps après leur oncle. Le domaine revient donc à leur demi-frère, né d'une précédente union, qui prend possession des lieux avec son épouse et leur fils, le véritable propriétaire de Norland.
Mrs Dashwood, leur mère, n'est pas riche et elle et ses filles touchent un maigre héritage. N'étant plus chez elles dans la propriété où elles ont pourtant vécu longtemps, les quatre femmes sont forcées de trouver une nouvelle demeure, bien moins éclatante que Norland. Elles quittent le Sussex pour le Devon, où un cousin de Mrs Dashwood, sir John Middleton, accepte de leur louer un cottage. De plus, elles sont confrontées à des difficultés financières (ex: elles n'ont pas les moyens d'entretenir un cheval), mais également au mépris des uns et des autres, notamment celui de leur propre famille. En effet, la belle-sœur des demoiselles, Fanny, est une femme avare qui ne souhaite nullement que son époux aide financièrement ses sœurs, alors qu'il en avait fait la promesse à son père. Ainsi les dames Dashwood sont confrontées à un déclassement social, alors qu'elles étaient maîtresse et filles d'un domaine prestigieux.
Emma est l'exception qui confirme la règle. L'héroïne de ce roman est la seule parmi les héroïnes de Jane Austen à être riche. Néanmoins nous n'allons pas parler d'Emma Woodhouse, mais d'un personnage secondaire du roman, Jane Fairfax. Jane est née dans une famille qui était autrefois estimée et qui n'était pas pauvre. Son grand-père maternel était le pasteur d'Highbury, et vivait avec sa famille au presbytère. Mais la famille de Jane a été confrontée à plusieurs décès qui ont précipité le déclassement social des Bates et de Jane. La mère de Jane a épousé un lieutenant qui était promis à une belle carrière militaire. Malheureusement, il est décédé au combat et n'a pas pu faire fortune. La mère de Jane est morte peu de temps après, faisant de Jane une orpheline. Elle a donc été élevée par sa famille maternelle pendant quelques années. Mais son grand-père, le pasteur, est mort à son tour. Par conséquent, Jane, sa grand-mère et sa tante ont dû quitter le presbytère et vivre dans un modeste appartement dans le bourg de Highbury.
A l'âge de neuf ans, Jane a été recueillie par un ami de son père, le colonel Campbell, et a été élevée avec Miss Campbell, la fille de ce monsieur. Jane a donc reçu une éducation de prestige pour faire d'elle une jeune femme accomplie. Toutefois, le colonel n'était pas assez riche pour assurer une dot à sa fille adoptive, destinée à devenir gouvernante.
Au XIXe siècle, le métier de gouvernante était une sombre perspective pour les jeunes femmes issues de milieux plus ou moins favorisés. Seules les jeunes femmes victimes de revers de fortune embrassaient cette carrière, à défaut de se marier puisqu'elles n'étaient pas riches. Jane compare d'ailleurs le commerce des gouvernantes à celui des esclaves. Il y avait en effet au XIXe siècle des agences destinées aux gouvernantes qui recherchaient des places dans des familles. Ce métier apportait son lot de bonnes et surtout de mauvaises surprises. Les gouvernantes n'étaient pas considérées comme des domestiques, mais on ne leur portait pas non plus la même considération qu'à leurs employeurs. Elles devaient instruire des enfants qui ne les respectaient pas toujours, à l'instar de leurs parents. De plus leurs gages n'étaient pas particulièrement élevés, bien qu'elles fussent logées et nourries par leurs employeurs.
Dans Emma, nous avons également l'exemple de Miss Taylor, l'ancienne gouvernante des demoiselles Woodhouse. Celle-ci a été choyée par les fillettes dont elle s'occupait, mais aussi par Mr Woodhouse. Miss Taylor est d'ailleurs considérée comme un membre de la famille, et une précieuse amie. Elle quitte son emploi après avoir épousé Mr Weston, un voisin et ami de la famille. Mais il s'agit ici d'un cas exceptionnel, et nous ne savons rien sur ce qu'était la situation de l'ancienne Miss Taylor avant de travailler pour les Woodhouse. Jane est effrayée par cette perspective et y échappe in extremis en épousant Frank Churchill.
Ainsi s'achève cet exposé, dans lequel vous avez pu constater que les romans de Jane Austen ne sont pas que des romans d'amour qu'on peut lire confortablement installé auprès d'un feu de cheminée. Jane Austen a restitué dans ses écrits les sombres réalités de son temps et de son milieu social.
Comments