Le 10 avril, à 3h30 du matin, Warner Bross a mis fin à une attente insoutenable en diffusant la première bande-annonce de Joker Folie à deux, suite de Joker de Todd Phillips sorti en 2019 avec Joaquin Phoenix. Le premier film, avec un budget de « seulement » 55 millions de dollars, était parvenu à engranger pas moins d’un milliard de dollars de recettes dans le monde entier. Un succès incontesté pour un film produit par plusieurs sociétés de production, dont Warner Bross, et qui ne se revendiquait pas comme un blockbuster. Le film, nominé à neuf reprises aux Oscars, a raflé deux récompenses (Meilleur acteur pour Joaquin Phoenix et Meilleure musique de film pour Hildur Guðnadóttir) en 2020.
En juin 2022, Todd Phillips a confirmé que Joker aurait bien une suite, Joker Folie à deux, avec à nouveau Joaquin Phoenix dans le rôle-titre, mais également Lady Gaga en tant que Harley Quinn. Je vous propose aujourd’hui une analyse approfondie de cette première bande-annonce du film qui sortira – vraisemblablement – le 2 octobre 2024 en France.
Analyse du teaser trailer
Le premier plan nous montre le pauvre Arthur Fleck enfermé dans une chambre, qui s’apparente davantage à une cellule. La lumière du matin se reflète dans l’objectif de la caméra, tandis qu’un gardien réveille les détenus. Arthur se tient debout et ne regarde pas la caméra. Il secoue sa tête – qui est légèrement baissée – et semble être perdu dans ses pensées. La caméra s’éloigne, et nous pouvons voir qu’elle filme Arthur à travers la trappe de la porte. Un gardien nargue le prisonnier en lui demandant : « Fleck, tu nous racontes une blague ? » Ce plan nous rappelle le moment de gloire d’Arthur dans le premier film lorsqu’il est invité dans l’émission de Murray Franklin – diffusée en direct -, durant laquelle il raconte deux blagues : une blague toc toc, et une dernière qui se solde par l’assassinat du présentateur.
Dans la seconde séquence, nous entendons les premières notes au piano de What Worlds Needs Now is Love, interprétée par Tom Jones. Arthur est escorté par deux gardes. Il semble être interné dans un hôpital psychiatrique, et certainement dans une unité où il est isolé des autres patients. Arthur et les deux gardes passent auprès d’une salle où des patients forment une chorale. Parmi les chanteurs, il aperçoit une jeune femme blonde (Lady Gaga) qui chante et qui lui rend son regard. Sans ménagement, Arthur est éloigné par les deux gardes. Le couloir, à l’instar de la cellule d’Arthur, est très sombre. Arthur est vêtu de vêtements grisâtres, tandis que les gardiens portent un uniforme noir. Seule la salle de chant est une source de lumière. Elle est éclairée par une lumière jaunâtre, tandis que la jeune femme porte un gilet de couleur ocre qui rappelle la veste que portait Arthur dans le premier film.
Ensuite, dans un troisième plan, Arthur est seul dans l’obscurité et fume. En voix off, nous entendons un homme affirmer que « nous utilisons la musique pour nous reconstruire. » Le décor change à nouveau. Arthur est à nouveau escorté par quatre gardiens, qui portent des parapluies noirs, au travers d’une allée grillagée. La voix off masculine poursuit : « Pour compenser les fêlures qui sont en nous. » Arthur, apathique, lève les yeux au ciel. La caméra, en plongée, nous montre Arthur regarder vers le ciel. Or, un grillage sépare Arthur et le ciel. Les parapluies noirs deviennent orange, rouge, bleu et jaune. Nous avons ici une référence aux Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, comédie musicale culte des années 1960.
La jeune femme blonde est de retour dans la cinquième séquence. Elle monte péniblement les mêmes escaliers qu’Arthur peinait à gravir dans le premier film. Nous l’entendons également dire à Arthur en voix off : « Je suis personne. » Les hypothèses ici sont nombreuses… Est-elle une hallucination créée de toute pièce par Arthur ? Ce serait redondant et décevant, surtout après Sophie, l’ancienne voisine des Fleck… Est-elle l’incarnation pure et dure de la folie qui habite Arthur ? Ou dit-elle simplement qu’elle n’est qu’une anonyme parmi tant d’autres ?
Nous revenons ensuite dans le couloir qui mène à la salle de chant. La jeune femme fait face à Arthur et aux gardes. Elle mime un acte de suicide, le même qu’avait fait Arthur devant Sophie Dumont dans son ancien immeuble : un revolver sur la tempe. En voix off, elle poursuit : « J’ai rien fait de ma vie contrairement à toi. » Nous pouvons penser qu’elle admire Arthur qui, dans le premier film, avait provoqué une révolution à Gotham, mais également commis plusieurs crimes, alors qu’il n’était personne.
Le Joker apparaît enfin. Il est assis dans l’obscurité totale et est éclairé par un spot de lumière blanche. Une cigarette et un micro à la main, il s’apprête sans doute à chanter. Arthur et la jeune femme sont assis dans une salle avec d’autres patients et des soignants. La pièce est obscure, comme une salle de cinéma. La jeune femme cherche à initier un contact physique avec Arthur, mais se ravise en ne lui prenant pas la main. Elle lui suggère plutôt de quitter cet endroit avec elle : « On s’arrache. »
Dans un smoking noir, le Joker invite sa nouvelle amie, vêtue dans une magnifique robe de soirée blanche, à danser avec lui dans un décor qui rappelle une scène iconique du film musical La La Land (2016) de Damien Chazelle. Tom Jones entonne les premières paroles What World Needs Now is Love. Une autre danse suit cette séquence, celle d’Arthur et de la jeune femme blonde qui dansent à proximité de l’hôpital psychiatrique, alors que des ambulances roulent à côté du couple en pleine nuit.
La danse laisse ensuite place à une course-poursuite sur une avenue de Gotham. Arthur tente d’échapper en courant à deux hommes déguisés en Joker. Arthur, lui, porte un costume grisâtre usé, avec une chemise jaune et une cravate. Ses cheveux sont poussiéreux, et son maquillage de Joker est terne et délavé.
Sur un plateau, qui ressemble à celui de Murray Franklin, les noms du Joker et de Harley (Lady Gaga) sont diffusés sur un écran lumineux. Puis, dans ce qui semble être un club de jazz, le Joker, vêtu d’un costume noir décontracté, fume et danse, tandis que Harley se trémousse aussi au rythme de la musique dans une robe courte argentée.
Nous retrouvons Arthur, atteint d’un rire douloureux, qui est trainé de force dans un couloir sous-terrain par des gardiens de l’hôpital psychiatrique, alors qu’il est au sol.
Harley, déguisée en arlequin, monte fièrement les marches d’un édifice, sans doute un tribunal, tandis que la foule est en liesse et l’acclame. Des manifestants portent des pancartes pour montrer qu’ils soutiennent le Joker. Des policiers l’escortent, tandis que des photographes immortalisent son arrivée.
Dans une pièce sombre, peut-être en sous-sol, Harley maquille Arthur. En voix off, un psychiatre demande à Arthur : « Qu’est-ce qui a changé ? » Puis la caméra fait un plan rapproché sur le médecin qui fait face à Arthur.
Devant le tribunal, le Joker – qui porte son emblématique costume rouge – et Harley – vêtue d’une robe baby doll – quittent libres le tribunal et descendent les marches en dansant, à l’instar de la scène des escaliers dans le premier film. Ils sont acclamés par la foule. Nous pouvons voir un manifestant brandir un journal sur lequel le Joker fait la Une : « Free on all charges », d’autres brandissent des pancartes sur lesquelles sont inscrites des messages de soutien : « We love Joker », « Free Joker » ou encore « Resist ». Une pancarte fait référence à la première blague racontée par le Joker sur le plateau de Murray Franklin : « Knock Knock ».
Nous voyons ensuite plusieurs fourgons blindés. Arthur, menotté, se trouve dans l’un d’entre eux. Il porte un costume sombre, ses cheveux sont plaqués sur sa tête, et il observe – avec un sourire aux lèvres – les manifestants qui le soutiennent. Nous pouvons penser qu’Arthur est amené à son procès. En voix off, il répond à la question posée par son psychiatre : « Je vais vous dire ce qui a changé. »
Dans une autre scène, le Joker s’apprête à épouser Harley. Il porte de costume de marié blanc et noir et se tient dans un étrange décor. Harley le rejoint en dansant sur une allée blanche qui traverse une étendue d’eau noire. Arthur se tient au milieu d’un décor de façade de chapelle, alors qu’en arrière-plan nous pouvons voir Gotham sous un coucher de soleil très sombre et légèrement orangé. Les futurs mariés ne sont pas seuls. Trois demoiselles d’honneur, vêtues de robes jaunes, et deux hommes sont présents. Nous reconnaissons parmi les invités, Gary, l’ancien collègue nain d’Arthur dans l’agence de clowns (Leigh Gill). En voix off, Arthur continue son propos : « Je suis plus seul. » Là encore une fois, plusieurs hypothèses nous viennent à l’esprit. Arthur parle-t-il de sa relation avec Harley ? Ou bien évoque-t-il ses soutiens à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique ?
Arthur, qui est derrière des barreaux, embrasse Harley qui est venue lui rendre visite. Cette scène de baiser se poursuit dans une autre séquence, celle du mariage du Joker et de Harley, sous le crépuscule.
Le Joker, dans son costume rouge, est pris d’un élan fureur et utilise un tabouret pour frapper violemment un homme dans une pièce très peu éclairée.
La séquence clin d’œil à La La Land est ensuite de retour. Le Joker et Harley dansent sur le toit d’un immeuble sous une nuit étoilée. Une enseigne lumineuse indique qu’ils sont au « Hotel Arkham » et qu’il n’y a plus aucune chambre disponible. Hotel Arkham désigne bien évidemment l’hôpital psychiatrique, Arkham, dans lequel le Joker et Harley Quinn, psychiatre, se rencontrent dans les comics. Il s’agit ici aussi vraisemblablement de l’hôpital dans lequel Arthur est interné.
Arthur fait à nouveau face à son psychiatre et lui dit : « C’est de ça qu’il faut parler ! » Arthur souhaite sans doute parler de sa relation amoureuse avec Harley. Etrangement, le psychiatre ne semble pas être informé de ce changement notable dans la vie de son patient.
Dans une rue de Gotham, en pleine nuit, une femme blonde de dos brise la vitrine d’un magasin spécialisé dans la vente d’objets électroniques, alors que des télévisions montrent Arthur en train de rire. Cette femme de dos est peut-être Harley.
A Arkham, Arthur et Harley fuient en courant et en riant un couloir incendié.
Harley se regarde dans un miroir alors que ses yeux sont maquillés de noir. Elle essaie d’agrandir ses yeux avec la paume de ses doigts, à l’instar d’Arthur qui, dans le premier film, se forçait à sourire devant son miroir en mettant ses doigts dans sa bouche.
Dans une cour entourée de barbelés à Arkham, Arthur est sous la pluie et rit. Mais il s’agit d’un rire douloureux, sans joie.
Une explosion a ensuite lieu alors qu’une foule est agglutinée. Il s’agit peut-être d’une salle de spectacle, car nous décelons des lustres au plafond. Une silhouette masculine, sans doute Arthur en Joker, roule au sol.
Dans une salle de spectacle, sans doute le club de jazz, Harley - vêtue avec son gilet ocre – pointe un revolver sur le Joker qui a un mouvement de recul et qui lève légèrement les mains en signe de contrition. Puis, Harley, à l’instar de son amant dans le premier film, dessine avec du sang ou du rouge à lèvres sur sa bouche un sourire. Toujours dans le club de jazz, le Joker – dans un costume sombre – danse avec une cigarette à la bouche. Il est en transe et est habité par la musique.
La bande-annonce s’achève par une scène de parloir. Arthur reçoit la visite de Harley, dont nous pouvons deviner la présence. Il l’observe dessiner sur la vitre un sourire à l’aide d’un rouge à lèvres rouge. Celle-ci lui dit : « Je veux voir le vrai toi. » Il lui répond par un sourire sincère qui se fond avec la marque dessinée par Harley.
Mon avis
Je suis une grande fan du premier film. Encore aujourd’hui, le visionnage de Joker en 2019 a été ma plus belle expérience dans une salle obscure. J’en garde un très bon souvenir et je fais partie de ceux qui étaient tout à fait disposés à voir une suite. Je me rappelle avoir été un peu décontenancée en apprenant que Todd Phillips envisageait une comédie musicale pour ce second film. Mais en y réfléchissant, je ne trouve pas que ce choix soit injustifié et complètement abracadabrantesque. Dans le premier film, la musique était fondamentale. Elle éveillait Arthur, lui permettait de devenir maître de son propre corps et un être gracieux.
Grâce à la musique, Arthur incarnait le Joker, reconnaissable grâce à ses pas de danse. Elle lui permettait de se libérer.
Ce teaser trailer m’a particulièrement impressionnée. Je l’ai visionné plusieurs fois pour relever plusieurs détails et ma tête fourmille d’hypothèses sur l’intrigue de cette suite, mais aussi sur la relation entre Arthur / le Joker et Harley. Je ne pense pas que Harley soit le fruit de l’imagination d’Arthur, bien que cette bande-annonce laisse parfois volontairement le doute.
Mes théories
Ma première théorie est que Harley est atteinte d’hybristophilie, qui est une attirance sexuelle pour les personnes ayant commis des crimes sordides. Dans la culture populaire, cette paraphilie est surnommée « Syndrome de Bonnie et Clyde ». J’ai plusieurs arguments pour étayer cette hypothèse. Au début de ce teaser nous avons deux plans où nous voyons Harley monter les fameux escaliers qui mènent au quartier d’Arthur, puis mimer une scène de suicide avec ses doigts.
J’ai d’abord pensé que Harley connaissait Arthur avant qu’il ne devienne un criminel, mais qu’il ne l’avait jamais remarquée. Dans le premier film, Arthur est obsédé par sa voisine Sophie Dumont devant laquelle il mime à deux reprises l’envie de se tirer une balle dans la tête. Arthur croit même durant tout le film qu’ils forment un couple, or il s’agissait d’une hallucination. Comment Harley a-t-elle pu avoir connaissance de ce geste, alors que seule Sophie en avait été témoin ? Harley vivait peut-être sur le même palier que Sophie et Arthur et a vu ce dernier mimer ce geste devant Sophie dans le couloir. Cette hypothèse est peut-être un peu tirée par les cheveux…
Autre spéculation, Sophie a peut-être été interviewée par des journalistes après l’arrestation d’Arthur. Vous n’ignorez pas que les criminels fascinent, et que – souvent – les journalistes questionnent leurs proches et voisins pour savoir s’ils avaient remarqué quelque chose avant leur passage à l’acte. Sophie aurait très bien pu raconter qu’Arthur était un jeune homme perturbé, qui vivait avec sa mère et qui s’était même introduit chez elle durant une nuit. Elle aurait très bien pu dire qu’Arthur avait mimé à deux reprises un revolver sur sa tempe. Harley aurait donc découvert cette information en lisant les journaux.
La scène des escaliers confirme mes deux hypothèses. Harley, avant d’être internée à Arkham, vivait peut-être dans le même quartier ou dans le même immeuble qu’Arthur. Je suppose aussi que Harley, ayant développé une fascination morbide pour le Joker, ferait une sorte de pèlerinage des lieux qui ont compté pour Arthur, tel que le quartier où il a vécu.
Venons ensuite à la raison de son internement à Arkham. La bande-annonce ne nous donne pas les raisons de sa présence dans cet hôpital psychiatrique. Ses vêtements laissent penser qu’elle est une patiente, et non une psychiatre comme dans l’histoire originale. Je pense que Harley s’est fait volontairement admettre à Arkham, afin d’avoir une chance de rencontrer son « idole ». Contrairement à Arthur, elle n’est pas isolée des autres patients et participe à une chorale. Son but est clair : approcher Arthur, gagner sa confiance et peut-être même entretenir une relation avec lui.
La bande-annonce suggère que c’est elle qui est au commande. Elle souhaite faite sortir Arthur de sa torpeur, le faire redevenir le Joker, celui qui a fait s’embraser Gotham. Arthur, apathique et dépressif à Arkham, n’a plus rien du Joker. Il est redevenu le jeune homme perturbé, mal dans sa peau, qui subit de plein fouet sa maladie mentale. Harley chercherait donc à le « guérir » en faisant renaître le Joker qui sommeille en lui. Certes, Arthur est heureux quand il embrasse cette face sombre de sa personnalité, mais elle est extrêmement néfaste pour Gotham. Je vous rappelle qu’Arthur a commis plusieurs meurtres dans le premier film au cours de sa transformation.
Le but de Harley n’est pas de sauver Arthur, de lui permettre de trouver une rédemption, mais de l’enfoncer dans sa folie meurtrière, afin qu’il incarne pleinement le Joker : « Je veux voir le vrai toi. » Nous la voyons d’ailleurs menacer le Joker avec un revolver. Cette scène suggère que cette relation ne sera sans doute pas de tout repos, et qu’elle sera certainement destructrice pour les deux protagonistes au minimum.
Dans ce teaser trailer, plusieurs séquences de danse entre le Joker et Harley ont été dévoilées. Je pense que les deux amants s’amusent à magnifier leur réalité à Arkham. La danse sur le toit de Hotel Arkham me fait penser à La Forme de l’eau (2017) qui utilise un procédé similaire. Elisa, une muette, s’imagine chanter son amour pour la créature dans une scène de music-hall digne de Broadway, alors que dans la réalité elle ne peut communiquer qu’avec la langue des signes.
Les séquences du mariage et de la scène sur le toit ne seraient que des émanations de l’imagination de Harley et d’Arthur pour magnifier des événements heureux : la danse près des ambulances et peut-être même l’officialisation de leur union en prison ou bien à l’hôpital.
Il s’agit bien évidemment de simples théories sur Joker Folie à deux qui évolueront et qui seront sans doute balayées par le film à sa sortie. Et vous, avez-vous des hypothèses à formuler sur ce second film ? Attendez-vous avec impatience sa sortie ? J’ai hâte de lire votre avis et vos élucubrations.
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